Homélie de la Messe d’Entrée
dans la Vie d’Anne-Gabrielle
Mardi 27 juillet 2010
Eglise Saint-François de Paule, Toulon
Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Ainsi soit-il !
Nous sommes invités à entrer dans le silence de la contemplation. Nous sommes en effet orientés vers la Béatitude Éternelle, vers notre destinée finale, vers le but de notre pèlerinage. Et c’est une enfant qui, aujourd’hui, nous montre le chemin du Ciel. Nous nous sentons si petit face à cette âme qui s’élève vers son Dieu après avoir été sur la Croix avec Jésus. Nous voyons Jésus qui prend Anne-Gabrielle et nous la présente en disant : « Celui qui se fera petit
comme cette enfant, c’est celui-là qui est le plus grand dans le Royaume des cieux ». (Mt 18)
Anne-Gabrielle fait partie de ces anges qui montent et descendent au-dessus du fils de l’homme (Jn 1,51). Nous voyons en ce moment le Ciel s’ouvrir. Notre Dame, les anges et tous les saints introduisent cette enfant dans le saint Temple de Dieu et l’invitent à participer à leurs chants de louange (Messe des Anges - Alleluia). La messe nous fait entendre la voix de ces anges nombreux qui se tiennent autour du trône de l’Agneau et ils chantent sa puissance,
sa divinité, sa sagesse, sa force. Ils lui rendent honneur, gloire et bénédiction. (Ap. 5,11-14) Anne-Gabrielle voit maintenant la face de son Père qui est aux cieux (Mt 18,10). Elle est entièrement tournée vers son Créateur et Père. Elle rejoint la place que Jésus lui-même lui a préparée. Elle entre dans ce mouvement d’amour éternel et rejoint la foule de nos saints protecteurs (collecte-Messe des Anges). Elle se blottit dans les bras de la Vierge Marie, sa
maman du ciel et reçoit d’elle toute sa tendresse et son amour maternel. Elle aimait la Sainte Vierge. Lorsqu’elle était prise par une douleur extrême, elle demandait à son papa et à sa maman que soit dit ou chanté un « Je vous salue Marie ».
Tout en entourant et en servant son Dieu avec la multitude des saints, elle reste intimement attachée à son papa et à sa maman, et elle rend grâce pour la vie reçue. Elle continue de s’occuper de son frère François-Xavier et de ses sœurs Blanche et Alix. Elle était pour Alix comme une petite maman. Anne-Gabrielle garde un lien particulier avec sa famille et devient pour elle source de grâces abondantes. Elle présente au Père des cieux ces grandes intentions
pour lesquelles elle a offert sa maladie. « J’offre mes souffrances, disait-elle, pour que les petits enfants ne souffrent plus », « J’offre mes souffrances pour les âmes du purgatoire ». Et elle ajoutait : « Je souffre beaucoup ». Ces quelques mots étaient comme une épée qui transperçait le cœur de ses parents. Lorsque notre évêque est venu auprès d’elle, il lui a demandé de prier pour le pape et les prêtres. Elle l’a fait tout en disant avec cet humour que vous lui connaissez : il ne m’a pas demandé de prier pour les évêques. Elle a vraiment pris cette intention particulière dans sa prière et dans sa chair crucifiée. Anne-Gabrielle était habitée par le souci du salut des âmes. Lorsque lui était posée cette question : Comment fais-tu pour offrir tes souffrances ? Elle répond : « C’est simple. Je dis : ‘Mon Dieu, je vous offre mes souffrances’ » (12 juillet 2010).
Anne-Gabrielle a toujours été une petite fille joyeuse et souriante. Elle aimait jouer, dessiner et lire. Les cadeaux qu’on pouvait lui faire étaient son plus grand plaisir. Elle aimait les cadeaux. Elle était également pleine d’attentions et de délicatesse. Pendant sa maladie, lorsqu’il fallait la déplacer dans la maison, lui donner à boire ou à manger, la soigner, il lui était naturel de dire « merci » à ses parents ainsi qu’aux infirmiers si dévoués. Elle le disait
aussi lorsqu’on l’assurait de notre prière ou lorsqu’une messe était célébrée à son intention. A un prêtre elle écrivait cette simple phrase : « Merci beaucoup pour toutes les messes que vous dites pour moi et ma famille ». Anne-Gabrielle connaissait la valeur de la messe car elle la vivait non seulement dans son cœur mais également dans son corps crucifié avec Jésus.
Quelle grâce pour elle et pour sa famille d’avoir pu participer, communier à la messe célébrée dans la maison le dimanche du Sacré-Cœur (13 juin 2010) et de se consacrer à ce doux Cœur de Jésus !
Anne-Gabrielle n’était pas repliée sur elle-même. Elle vivait, avec une grâce toute particulière, l’instant présent. Après des moments difficiles, un membre de sa famille lui demande : « Comment vas-tu ? Ça va ». « Mais je crois que tu étais fatiguée cette semaine et que tu as souffert. » Elle dit alors : « Mais aujourd’hui ça va » (9 juin 2010). Anne-Gabrielle vivait cet « aujourd’hui » de Dieu tout en étant entièrement tournée vers les autres. Elle se sentait responsable de la souffrance et de la fatigue de ses parents tout en leur disant souvent et avec beaucoup d’affection : « Je vous aime », « J’ai de la chance d’avoir des parents comme vous ». Elle souffrait de les voir souffrir. Il leur fallait alors lui expliquer qu’elle n’y était pour rien. A ceux qui venaient la visiter, elle ouvrait lentement ses yeux, leur tendait les bras et leur offrait son beau sourire. Elle leur faisait alors partager son intimité avec Dieu. Si elle avait près d’elle quelques gâteaux ou friandises, elle les proposait avec beaucoup d’amour et de bonté. Elle était remplie de cette charité qui vient du Cœur ouvert de Jésus en Croix.
Ceux qui ont approché Anne-Gabrielle ont été touchés par cette âme privilégiée. Tout en souhaitant la guérison, elle ne voulait faire que la volonté de Dieu. A la question : « qu’est-ce que tu demandes au bon Dieu ? » Elle répondait : « Pendant une messe, je priais ainsi : Mon Dieu, guérissez-moi mais que votre volonté soit faite, mais quand même guérissez-moi. Que votre volonté soit faite, mais quand même guérissez-moi ».(12 juillet 2010)
Le dimanche de Pâques 2009 elle recevait à la maison le sacrement de l’onction des malades. Ce sacrement a été pour elle et sa famille un temps pendant lequel la présence de Dieu devenait presque sensible. Puis elle s’est préparée à sa première communion et à sa confirmation. Tout en étant abandonnée à la Providence divine, elle se posait de nombreuses questions. Mais cela ne la mettait pas dans le doute. Comme ses parents, elle ne s’est jamais révoltée.
Elle avait soif de Dieu et elle était habitée par le désir d’être davantage unie à Jésus. Elle aimait prononcer régulièrement ce doux nom de Jésus. Quand elle a pris davantage conscience de la gravité de sa maladie et que ses parents lui ont annoncé qu’elle ne guérirait pas, une de ses peurs ou craintes, en plus de celle de savoir qu’elle quitterait son papa et sa maman, était celle de ne pas être prête à rencontrer Jésus (30 juin 2010).
Quand la présence réelle de Notre Seigneur arrivait à la maison ou dans sa chambre d’hôpital, elle se mettait à genoux quant elle le pouvait, sinon elle se redressait sur son lit puis elle fermait ses yeux et inclinait sa tête sur ses mains jointes. Plus rien ne semblait exister sinon Dieu seul. Les prières n’étaient pas une succession de mots mais bien l’expression de son union à Dieu. Et ceux qui ont pu participer à ces instants privilégiés étaient emportés dans sa contemplation, dans le mystère même de Dieu. Ceux qui l’ont approchée comprennent mieux cette parole de Jésus : « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux ». (Mt 18,10)
Voir Anne-Gabrielle, c’était déjà voir Dieu.
Alexandre et Marie-Dauphine vous présentez aujourd’hui à Dieu Anne-Gabrielle, votre enfant. Il vous l’avait confiée il y a maintenant plus de huit ans. Vous l’aviez reçu de Dieu comme un véritable cadeau et, par le sacrement de baptême, vous avez voulu que votre petite fille, votre premier, devienne l’enfant bien-aimée du bon Dieu. Soutenus par la grâce de l’Esprit Saint, vous avez vécu avec Anne-Gabrielle son chemin de Croix. Pendant dix huit mois, vous l’avez accompagnée. Vous viviez dans votre chair la violence de la maladie de votre fille. Vous avez supporté l’insupportable. Vous avez été jusqu’au bout de vos forces, vous avez été jusqu’au bout de l’amour. Il s’agit pour vous, en ce jour, d’un nouvel enfantement. Par la douloureuse acceptation de la volonté de Dieu, vous enfantez votre enfant à la vie divine. Vous réalisez, dans la douleur, votre vocation de parents chrétiens : celle de faire de vos enfants des saints. Dans la souffrance et l’épuisement, vous avez su remercier Dieu et vous émerveiller devant la beauté de l’âme de votre chère Anne-Gabrielle. Vous êtes sûrs que cette croix non choisie sera source de grâces abondantes pour votre famille et, dépassant ce cadre familial, ces grâces atteindront de nombreux cœurs.
Que cette messe d’Entrée dans la Vie nous fasse mieux réaliser que nous sommes faits pour Dieu et que la vie d’ici-bas est ce pèlerinage qui nous conduit dans le cœur du Père des cieux ! Nous sommes invités aujourd’hui à changer de vie, à nous tourner vers l’essentiel, à voir Dieu en toute chose et à ne vouloir que sa volonté. « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, nous dit Jésus, vous n’entrerez point dans le Royaume des Cieux ».
(Mt 18,1-5) Anne-Gabrielle nous montre le chemin du Ciel qui passe par l’offrande de soi. Elle a fait de sa vie et de sa maladie une véritable offrande agréable à Dieu. Elle est devenue Celui qu’elle recevait chaque jour dans la Sainte Eucharistie. Anne-Gabrielle était une hostie vivante. Comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, elle s’est offerte comme victime d’holocauste à l’Amour Miséricordieux du Bon Dieu. Que ce don d’elle-même ne reste pas sans effets !
Je demande à Dieu que la célébration de ce Sacrifice Eucharistique de la Messe apporte la paix et le réconfort à une famille éprouvée, mais je voudrais également, et c’est notre prière à tous, que ceux qui, dans cette assemblée, vivent l’épreuve de la maladie, de l’échec, de la division, du deuil, de la solitude soient touchés par la surabondance de grâces qui jaillit du Cœur ouvert de Jésus. Que tous nous soyons saisis par ce mystère de l’amour de Dieu qui vient consoler les cœurs blessés et leur redonner l’espérance !
Après une longue et douloureuse agonie sur son lit d’hôpital, Anne-Gabrielle est partie au Ciel peu avant minuit le vendredi 23 juillet, jour de la passion de Notre Seigneur et jour anniversaire de la mort de Sainte Brigitte. Une larme coulait sur sa joue. Le matin de ce même jour elle recevait le viatique, le sacrement de l’onction des malades pour la troisième fois et la bénédiction apostolique avec l’indulgence plénière. Puis ont été faites les prières pour la recommandation des âmes et son papa et sa maman ont prié les oraisons de sainte Brigitte. Dans l’après-midi, elle demande à ses parents de faire venir ses frère et sœurs. Ils savaient que leur grande sœur allait bientôt voir Jésus. Anne-Gabrielle les a serrés très fort dans ses bras et a pu prononcer un « au-revoir Blanche ». François-Xavier s’est penché vers elle pour lui dire tout bas : « Je t’aime ». Vers 20h00 son papa et sa maman, à genoux aux pieds de son lit, ont récité une dizaine de chapelet, et le prêtre présent a fait les prières pour l’expiration : « Entre Vos mains, Seigneur, je remets mon esprit. Seigneur Jésus-Christ, recevez mon esprit. Sainte Marie, priez pour moi…. Saint Joseph priez pour moi… Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur et mon âme… Jésus, Marie, Joseph, que je dorme et repose en paix avec vous ».
Avec Anne-Gabrielle, unis aux deux Cœurs de Jésus et Marie, apprenons à vivre l’instant présent sous le regard aimant de Dieu, à ne vouloir que ce qu’Il veut, à accepter les souffrances pour le salut des âmes et à faire confiance en la Miséricorde Divine. La prière d’Anne-Gabrielle rejoignait celle d’une sainte Faustine qui s’adressait ainsi à son Dieu : « Ô moment présent, tu m’appartiens tout entier, je désire tirer profit de toi selon mes possibilités, et bien que je sois faible et petite, tu me donnes la grâce de Ta toute-puissance. Et donc avec confiance en ta miséricorde, j’avance dans la vie comme un petit enfant et, chaque jour, je Te fais le sacrifice de mon cœur brûlant d’amour pour Ta plus grande gloire. »
Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il !